Le secret de l’univers
Tu commences à comprendre le secret de l’univers. Pas de manière intellectuelle, mais plutôt intuitive. Tout te semble logique sans que tu éprouves le besoin de rationaliser. Tu réfléchis sans formuler la moindre phrase. Tu appréhendes le langage des oiseaux et pénètres le but de toute vie sur terre.
Tu souhaites partager ce savoir avec d’autres entités. Tu réalises combien il te sera difficile de transformer tout cela en mots afin de transmettre cette connaissance, ce fragment d’éternité. Pour le moment, tu te laisses porter par ton illumination. Tu es la partie et le tout. Comme la vague sait qu’elle est à la fois vague et mer. Deux entités différenciées, mais possédant le même niveau de conscience en commun.
Tu distingues l’étincelle divine à l’intérieur de ton âme. Cette félicité de l’exposition de ton esprit à la vérité ultime te ravit. Tu entends la musique des sphères. Cela te rappelle des passages veloutés de Pink Floyd ou de Kitaro. C’est merveilleux, mais indescriptible.
Maintenant, ton état de béatitude se métamorphose. Tu perçois un tunnel débouchant sur une lumière aveuglante. Un sentiment de déjà-vu pénètre ta conscience. Tu l’as déjà traversé, ce tunnel. Cela devient une certitude. Le tube semble t’aspirer. Les vibrations ne correspondent plus à ta volonté. Tu sais que tu as encore tellement de choses importantes à accomplir. Tu essaies de te soustraire à l’attraction de ce vortex. L’espace se dilate. Le temps se contracte.
Tu commences à visualiser les événements de ta vie. La chronologie s’inverse. Dans les différentes scènes que tu revis, tu deviens de plus en plus jeune. Tout se comprime. Tu te revois avec ton frère jouant à « il ou elle ? » pour chasser l’ennui pendant un long voyage en voiture.
Tous ces souvenirs que tu croyais oubliés sont toujours présents au fond de ta mémoire. Tu te révoltes, tu ne veux pas t’approcher de ce tunnel. Tu visionnes le film de ta vie, mais en même temps tu songes aux êtres chers autour de toi, avec un sentiment grandissant d’éloignement.
Tu sais très bien ce qui t’arrive, mais tu le refuses. Des entités androgynes sont là pour t’aider. Leurs vibrations sont douces et agréables. Mais tu t’arc-boutes. Tu résistes, tu as peur, tu sens que tu vas « y » passer. Tu entends des bourdonnements, qui s’amplifient au fur et à mesure que le tourbillon t’emporte.
Tu l’ignores pour l’instant, mais dans le même continuum temporel, dans le monde réel qui est le tien, une amazone s’apprête à te décocher une flèche en plein cœur. Elle prend son temps pour bien viser, car il ne faut pas qu’elle te rate. Elle n’a pas vraiment l’habitude, mais là, elle n’a plus le choix. La pointe dirigée vers le haut exsude quelques gouttes de pur venin. Ta libératrice déglutit une dernière fois, elle bande les muscles de son bras droit en inspirant. Le coup part en un éclair. Le dard métallique de toutes les rédemptions traverse ton sternum et pénètre ton cœur. En plein dans le mille. Une douleur intense transperce ta poitrine et tu pousses un cri déchirant tout en te redressant sur ton séant.
Tu entrouvres à peine les paupières, tu perçois du blanc autour de toi. Tu demandes :
— Où suis-je ?
Une voix douce et féminine te répond calmement.
— Vous êtes en soins intensifs, à l’hôpital Saint-Luc.
Tu ouvres un peu plus les yeux, tu as du mal à articuler et tu constates avec surprise que tes propres mots prennent une tournure exclamative.
— À l’hôpital !!! Mais qu’est-ce que c’est ?
Tu distingues vaguement la courageuse amazone vêtue de blanc. Elle te tient la main. Elle est heureuse de voir que tu réagis. Elle te répond en souriant.
— C’est un immense bâtiment où l’on soigne les malades.
Tu te corriges.
— Non, je veux dire, qu’est-ce qui m’arrive ?
La guerrière discrète, au triomphe modeste et à la gloire noyée sur le grand fleuve de la vie, effleure maintenant ton bras pour te tranquilliser. Elle te regarde avec compassion. Elle est contente et soulagée de t’entendre parler.
— Ce n’est rien. Juste une overdose. Je vous ai fait une injection transthoracique d’adrénaline, directement dans le cœur. Rassurez-vous, vous allez vous en tirer. Vous avez eu de la chance, pour cette fois.