Le discours d’un roi

Cinéma – Hésitations et cafouillages royaux 

Le film « Le discours d’un roi » (43 récompenses, dont 4 oscars) est remarquable à plus d’un titre. Quoi de plus stressant pour un roi qui bégaie, de devoir prononcer des discours juste avant la 2e guerre mondiale ?
Le film de Tom Hopper raconte donc la lutte du roi George VI – joué par un Colin Firth en grande forme – pour surmonter son problème d’élocution.
Geoffrey Rush a été nominé aux oscars pour son rôle du logopède peu conventionnel et peu impressionné par la stature de son royal client. Plutôt que d’utiliser son titre protocolaire, il l’appelle « Bertie » et exige la même familiarité en retour.
Serait-il disposé à se rendre au domicile de ce client particulier pour l’aider à améliorer sa diction ? Pas question ! Tous ses patients sont traités sur un pied d’égalité, dans son bureau. Il interdit à Son Altesse Royale de fumer dans son cabinet et lui enlève même la cigarette des mains si nécessaire.
Avec un aplomb imperturbable, à force d’exercices d’élocution et de conseils psychologiques, il obtient quelques progrès. Le roi arrivera-t-il à  prononcer un discours en direct à la radio juste à temps pour galvaniser ses sujets avant que la guerre n’éclate ?
L’importance de la radio, en tant que media majeur à l’époque, est bien soulignée. Malgré quelques libertés historiques nécessaires afin de fluidifier la mise en scène, le film parvient bien à restituer de manière honnête la réalité de cette page d’histoire méconnue.
Cette évocation est d’autant plus émouvante quand on réalise qu’elle est basée sur des faits réels. Il  faut avouer que Colin Firth est impressionnant de crédibilité. Il n’a certes pas volé son oscar.
Ses bégaiements sont très réalistes et il est aisé d’imaginer qu’il a consacré beaucoup de temps à travailler son rôle en compagnie de personnes souffrant d’afflictions similaires.
L’homme qui ne voulait pas être roi
Le sujet choisi est bien traité, mais le film aborde aussi d’autres thèmes, comme l’influence négative d’une éducation trop stricte dans les problèmes psychologiques d’un individu ou les responsabilités à prendre face à un destin imprévu.
En effet, George VI ne devait ni ne voulait devenir roi. Il a accédé au trône parce que  son frère aîné Édouard VII a abdiqué pour épouser une femme divorcée.
70 ans plus tard, en 2005, le mariage du Prince Charles avec Camilla Parker Bowles (elle-même divorcée) permet de prendre conscience des progrès réalisés dans les mentalités les plus conservatrices de la société britannique.
Quant à Helena Bonham-Carter, elle devra se contenter d’une des douze nominations aux oscars que ce film a récoltées. Elle incarne, dans une prestation impeccable, le rôle de la reine mère (la mère de l’actuelle Elizabeth II).
Il est intéressant d’observer la vie des membres de la haute société de l’époque non sous l’angle de l’autorité ou du prestige, mais plutôt au travers des petits défauts et des faiblesses qu’ils doivent surmonter. La famille royale descend de son piédestal idéalisé pour devenir une tribu d’êtres humains, en chair et en os, comme tous les roturiers.
Pour l’anecdote, David Seidler, le scénariste (qui souffrait lui-même d’un bégaiement) avait contacté la reine mère, veuve du Roi George VI  pour l’informer de son intention d’écrire le scénario d’un film à propos des problèmes de bégaiement de son époux.
Elle avait donné son accord à condition qu’un tel film ne soit pas réalisé de son vivant, car cela lui rappelait de trop douloureux souvenirs. Sa volonté a été respectée (elle est décédée en 2002).

© 2011 Jean-Philippe Lembeye

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